Inscription: 28 Sep 2013 22:34 Messages: 282 Localisation: Strasbourg
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Salut à tous Vu que ma femme veut faire le ménage et que je dois quitter les lieux j’en profite pour vous emmener avec moi dans mon atelier « détente ».

Alors on ne va pas bosser sur de l’ancienne mais quand même ! C’est mon 1400 Intruder 4 vitesses 1ère main de 90 qui affiche maintenant 140 000 bornes. Il pétaradait depuis un bon moment et comme on a le temps je vais vous faire voir comment on fait dans les règle de l’art. On procède de la même manière sur n’importe quel moulin, donc pas de soucis de ce côté-là.
Je voudrai surtout faire comprendre au plus novice qui « restaure » pour la première fois une moto ancienne, qu’il ne s’agit pas seulement de faire du démontage/nettoyage/remontage mais que la mécanique à bel et bien des règles et que si ça doit fonctionner et fonctionner bien, il n’y a pas de place pour l’à peu près ! Il n’y a rien de plus chiant que de devoir redémonter par ce que justement on a fait vite parce qu’on veut absolument l’entendre tourner. Rassurez-vous je suis aussi passer par là ! On sait aussi que tout à un prix et qu’une restauration en bonne et due forme coûte un bras, rien que le moteur. Mais assez bavardé, passons à l’acte. On va se concentrer sur la mesure d’un cylindre et la réfection de la culasse. Après avoir démonté la ou les culasses et d’avoir regroupé tous ces éléments qui la compose dans une ou plusieurs boîtes comme c’est le cas ici pour un bicylindre,

On va les passer au Karcher pour les dégraisser.

On y voit plus clair maintenant !

Dans mon cas, le souci était que la moto pétait à l’échappement mais sur un cylindre seulement. Vu que ma syncro de carbu était bonne, on peut penser à un ou des poussoirs hydrauliques fatigués ou HS. Vu les KM, c’est fort possible ! Voyons d’abord s’il faut opter pour un réalésage des cylindres ou si un déglaçage suffirait. De TOUTE façon il faut une segmentation neuve, impératif avec ce kilométrage. Pour l’instant je ne démonte pas les pistons au cas où un déglaçage suffirait je peux les laisser en place. Je les inspecte déjà visuellement pour voir s’il ne présente pas de rayures profondes sur la jupe, si les circlips sont encore bien en place et que les axes n’ont pas de jeu dans le pied de bielle. Tout est OK. Pour vérifier une ovalisation uniquement, je n’aurai pas besoin de mesurer le piston en fait. Il me suffirait de jauger le cylindre et je serais fixé. Ce que je te montre là, c’est ce que je devrai faire avant un réalésage, quand le piston à une côte réparation et que je veux savoir de combien je dois réaléser le cylindre. Au moins tu sauras comment mesurer un piston. On mesure un piston à l’aide d’un palmer ou micromètre. Déjà il faut savoir qu’un piston n’est pas parfaitement cylindrique. En effet, sa partie inférieur (la jupe) est légèrement plus grande que la partie supérieure (la calotte). Ici la différence est de 0.08 mm (8 centièmes).


Sur la calotte se trouve les segments qui rattrapent en quelques sorte cette différence. D’une part, le piston doit pouvoir se dilater assez pour éviter le serrage et c’est la partie haute du piston qui chauffe d’abord et le plus, et d’autre part le film d’huile doit pouvoir se loger entre le piston et le cylindre, afin d’éviter que la matière brute ne frotte sur les parois du cylindre. On peut donc dire que le piston flotte dans le cylindre. Pour définir la taille d’un piston, c’est donc la jupe qui nous intéresse. On sait par le constructeur que la côte d’origine du CYLINDRE est de 94 mm. Le piston est toujours plus petit comme on le sait maintenant, on mesure donc ici 93.94 mm. Je bloque maintenant le micromètre grâce à la molette pour que la mesure ne puisse plus être dérèglée. Je sais aussi que le piston doit avoir entre 0.05 et 0.06 mm donc 6 centièmes de jeu préconisé par le constructeur (94 - 93.94 = 0.06) La côte mini étant de 94.88. Je suis donc encore dans les bonnes côtes. Vu que c’est le cylindre qui va se déformer le plus, on va donc maintenant mesurer cette valeur. Pour cela on utilise une jauge d’alésage.

On va installer sur l’outil la pige adaptée au diamètre à mesurer, (ici une pige de 93 à 100) et le comparateur gradué au centième. Comment ça fonctionne ? En fait la pige à droite reste fixe. C’est la partie gauche qui est mobile et va pousser un renvoi vers le comparateur et faire bouger l’aiguille.

Tout d’abord on va calibrer la jauge d’alésage en reportant la mesure du micromètre (93.94) et tourner le cadran du comparateur de manière à ramener le zéro en face de l'aiguille. Faut être précis...


Passons maintenant à la mesure du cylindre. Comme tu peux le voir, il est bien brillant. On dit qu’il est glacé. Grossièrement parlant, les segments ont poli le cylindre. Mais tu vois aussi que ce n’est pas sur toute sa longueur. Bizarre? Beh non, puisque le cylindre ne sera glacé que sur la course que font des segments! La partie que tu vois non glacée mais néanmoins usée est l’embase du cylindre et correspond à la hauteur de la jupe du piston, tout simplement.

Tu auras exactement la même chose sur la partie supérieure du cylindre mais avec de la calamine. C’est la partie au-dessus du segment de feu du piston.

Avant de mesurer on va donc enlever cette calamine pour avoir une surface propre.
 Là on est prêt pour mesurer notre premier cylindre. Oui mais comment ? Un cylindre se mesure à 6 endroits différents. A l’embase, au milieu et en haut, puis une deuxième mesure à 90° de la première, A l’embase, au milieu et en haut ce qui permettra de mesurer son ovalisation. Alors allons-y.


Je suis 7 centièmes plus grand que 93.94mm ce qui revient à dire qu’à cet endroit du cylindre j’ai : 93.94 (diamètre du piston) + 0.07 (valeur du comparateur) = 94.01 mm d’alésage cylindre. J’ai donc 1 centième d’usure du cylindre à ce niveau. Eh oui, il ne faut pas oublier les 6 centièmes du jeu constructeur. Donc pas beaucoup d’usure…
Deuxième mesure juste un peu au-dessus, au milieu du cylindre.

Là j’ai 7 centième, donc 1 centièmes d’usure. Bien. Voyons voir en haut maintenant.

Pareil, 1 centièmes d’usure, ce n’est rien. Alors tu vas me dire attends, ce n’est pas possible avec 140 000 bornes, tu nous gruges! Pas du tout, l’usure d’un moteur est avant tout une histoire d’utilisation du véhicule (temps de chauffe par ex.), d’entretien, de révision périodique et de qualité d’huile et d’essence. Mais revenons à la technique. L’usure du cylindre se fait surtout dans le sens de la rotation du vilebrequin ! Les mesures qu’on vient de faire sont relatives aux flancs latéraux du piston et ne subissent pas les mêmes contraintes que ceux du sens de rotation du vilo. Et c’est logique en soit.
Première mesure en bas

Là, 8 centième. On voit déjà que notre embase du cylindre est ovale de 1 centième par rapport à la mesure prise toute à l’heure à 90 degrés de celle-ci. Voyons voir plus haut dans le cylindre. Au milieu donc.


12 centième ici. Une sérieuse ovalisation de 6 centièmes se fait à ce niveau-là du cylindre. Voyons tout en haut.


Et c’est sans trop de surprise que là on a l’usure la plus forte, 14 centièmes. En effet c’est à cet endroit où le piston subit sa plus importante contrainte mécanique dû à la compression d’une part et l’explosion de l’autre. Pendant la compression la bielle est encore en biais ce qui met le piston en « travers » si on veut. Le bas de la jupe vers l’avant et la calotte vers l’arrière. L’explosion venant après le point-mort haut la bielle se retrouve de nouveau en biais mais cette fois-ci la calotte se retrouve poussée vers l’avant et la jupe vers l’arrière. En finalité je me retrouve avec une usure de grosso modo 8 centièmes. 0.14 (Mesure la plus forte) – 0.06 (jeu piston préconisé) = 0.08 centièmes. IMPORTANT: Les deux cylindres devront être usinés à la même côte pour garantir l’équilibre même si les usures sont différentes ! Dans mon cas, la valeur limite constructeur avant un réalésage est de 94.080 mm. Sachant que le rattrapage de l’ovalisation par le déglaçage va me faire perdre de 2 à 5 centièmes de plus, je devrai faire un réalésage dans ce cas vu que ma côte finie serai de 94.10 voir 94.13. MAIS … Je vais quand même opter pour le déglaçage. Pourquoi ? - C’est ma propre bécane, et pas celle d’un client. - L’utilisation de la moto ne sera plus aussi intensive que par le passé. - Je ne souhaite pas investir pour un kit cylindre onéreux. - Je continuerai de faire les entretiens régulièrement et avec des fluides de qualité. - C’est la première fois que j’ouvre le moulin en 30 ans de bons et loyaux services. Jamais eu de pannes !!!! Alors un déglaçage fera l’affaire amplement ! - Je vais refaire les culasses par la même occasion.
Au tour des culasses justement.
Comme on peut le voir sur les deux cylindres il y a effectivement un soucis d’étanchéité sur les soupapes d’échappements. Les portées sont pleines de calamine ce qui prouve qu’a un moment ou un autre la soupape reste ouverte. C’est typiquement un défaut de poussoir et la raison pour laquelle elle pète. Des gaz non enflammés par l’explosion se retrouvent dans le collecteur d’échappement et s’auto-enflamme par la chaleur du conduit, ce qui provoque le badaboum dans le silencieux, pas bon…


On voit ici sur la soupape d’échappement que la combustion est bonne vu la couleur noisette de la tulipe de soupape. On voit aussi que la chambre de combustion est pleine de calamine, mais ça n’est pas une croûte épaisse ce qui nous dit que la segmentation même fatiguée (calamine grasse) joue encore assez bien son rôle, même avec autant de KM. Les compressions prisent moteur tournant montraient une petite différence d’un cylindre à l’autre mais elles étaient encore assez proche de la tolérance mini du constructeur.

Les portées des soupapes d’admission sont pas mal.


Je vais placer les culasses dans la microbilleuse pour nettoyer les conduits admission et échappement, le plan de joint culasse, et la chambre de combustion. JAMAIS MICROBILLER LES PALIERS D’ARBRE à CAMES OU AUTRES

Après on a ça.

Puis je les passe au Karcher MINUTIEUSEMENT. Faut absolument plus aucun résidu de billes dans la culasse sinon c’est la mort du moulin assurer. Faut vraiment faire ça méticuleusement !! Puis je les souffle au compresseur. J’utilise du nettoyant freins aussi, surtout dans les pas de vis et les petits recoins de la culasse. Et toujours souffler. Je passe une bonne 20aine de minutes par culasse !

Ensuite on passe au rodage soupapes.
Ici on peut bien voir sur les soupapes à quel endroit se fait la portée sur le siège. Idéal dans mon cas. Elle se trouve au milieu.


Je vais maintenant procéder au rodage. Ça consiste à appliquer une pâte abrasive sur la portée de la soupape et à l’aide d’une ventouse on pratique un va et viens comme le Cro-Magnon qui veut faire du feu avec deux bout de bois. Je te montre.
Il existe différentes pâtes à roder. A l’eau, à l’huile et dans des grains différents bien sûr. Ces pâtes sont composées de poudre de métaux et de pierres.


Pour les soupapes d’échappements, je vais utiliser le gros grain à l’huile d’abord, vu l’état des sièges et une seconde passe au grain fin à l’eau. Pour les admissions le grain fin direct sera OK. On y va. On va prendre la ventouse et la coller sur la tulipe de la soupape
 Puis on va appliquer modérément de la pâte sur la portée
Ensuite on va huiler la tige de soupape et l’introduire dans son guide
Puis en faisant tourner le manche dans la paume des mains on va faire un mouvement de va et viens et de temps en temps durant le mouvement, soulever légèrement la soupape afin de récupérer de nouveau de la pâte sur la portée. Un geste assez difficile à réaliser de prime abord. Le geste doit être régulier et fluide pour avoir un résultat satisfaisant.

En tout cas il ne faut pas que la portée soit brillante comme on peut l’entendre des fois. La portée doit être d’apparence satiné.
Ici le SIÈGE de soupape d’échappement après la première passe au grain gros.

La PORTÉE de soupape d’échappement après la première passe au grain gros.

Je nettoie bien le tout et je recommence avec le grain fin. Après la manœuvre, on a ça. Le siège éch.
La soupape éch.

Au tour des admissions maintenant. Après que tous ce petit monde a été rodé, je nettoie tout au nettoyant freins, je huile abondamment la soupape pour les remettre dans leurs guides respectifs.



Si la portée d'une soupape est HS on peut la rectifier avec cette machine, une rectifieuse de soupapes.
 Son principe de fonctionnement est de régler la tourelle graduée du mandrin porte soupape à l’angle correspondant au siège
Puis on allume la machine, la meule tourne, on passe une pointe diamant afin de rectifier la meule. Le plateau mandrin coulisse de droite à gauche grâce à une manivelle en bout de plateau comme sur une fraiseuse

Puis on insert la soupape dans le mandrin, on sert le mandrin et à l’aide de la manivelle sur l’avant de la machine on approche la soupape vers la meule. Le mandrin, lui tourne par démultiplication à une vitesse beaucoup moins vite que la meule. Dès que la soupape touche la meule, la soupape va donc être rectifiée sur sa circonférence et la portée refaite.

La meule de gauche quant à elle sert à rectifier la queue de soupape pour ajuster la longueur. A savoir qu’il y a plusieurs angles à mettre sur une soupape tout comme sur le siège. Pour rectifier les siège on utilisera des fraises avec différents angles de coupe. Mais c'est une autres histoire!
Revenons à nos moutons… A ce stade on a presque fini. Je mets un chiffon dans la demi sphère afin de pouvoir retourner les culasses sans que les soupapes ne retombent.


Maintenant je vais m’occuper de nettoyer et dégraisser les ressorts, rondelles, coupelles et clavettes.

Il faut savoir qu’une soupape tourne sur elle-même durant son fonctionnement. De ce fait il y aura toujours une rondelle sur le fond. Je remonte donc les rondelles avec abondamment d’huile.


Mais là je ne pourrai pas continuer la réfection de mes culasses car il me manque les nouveaux joints de queue de soupapes que je n’ai pas encore reçus. Je te montre à quoi ça ressemble, j’ai encore les vieux.

Ils se montent sur les guides de soupapes donc pas possible de les mettre si les ressorts étaient en place.

Ils servent à empêcher les retours d’huile, le long de la tige de soupape, venant de la culbuterie. A la longue le caoutchouc devient dur et ne remplit plus sa fonction de joint. A changer impérativement quand on refait des culasses hautes en kilomètre.
Les poussoirs hydrauliques.
T’en trouveras pas dans un AMC, c’est sûr mais c’est quand même une petite pièce fort pratique. Son rôle est de gérer le rattrapage du jeu aux soupapes et d’amortir les vibrations provoquées par la culbuterie. C’est une pièce qui fonctionne sous pression d’huile et ne nécessite pas d’entretiens particuliers. La seule panne qui puisse lui arriver, c’est qu’il se désamorce ou qu’il grippe pour cause de limaille dans le circuit d’huile.
Il y a une petite bille sur le dessus du poussoir qui fait office de vanne. Si cette bille ne ferme plus correctement, le poussoir se décharge et le piston du poussoir s’enfonce, donc la soupape ne s’ouvre plus au bon moment. Alors on entend du cliquetis parce que le poussoir martelle la queue de soupape en fait. Il peut être gripper en « dur » aussi, c’est-à-dire qu’il est ouvert au max de sa course parce qu’il ne se décharge plus. Alors la soupape reste ouverte.

Et voilà, tu en sais un peu plus sur l’intérieur d’un brelon. A partir de là, tu comprends mieux que l’à peu près n’a rien à faire dans une restauration d’un moteur et qu’il y a des règles à respecter. La prochaine étape sera le déglaçage des cylindres, le test d’étanchéité des culasses quand je les aurai remontées. Mais ce n’est pas pour tout de suite, je ne peux pas le faire chez moi ça, faut que je le fasse à l’atelier pro. @+ et restez en bonne santé.
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